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BUDAPEST, 1956

1956 est une année charnière de la guerre froide avec les événements de Hongrie et d'Egypte.

Les changements en Hongrie qui vont mener à la Révolution de 1956 commencent en 1954 par la nomination d'Imre Nagy à la tête de l'Etat avec la bénédiction de l'URSS. Son prédécesseur Rakosi est trop associé à la période stalinienne. La Hongrie est alors dans une situation économique désastreuse ayant tout misé sur l'industrie lourde à l'instar de son géant de voisin. Le Comité Central de Hongrie après avoir tergiversé de longs mois durant opte pour Nagy tandis que Rakosi part soigner sa défaite dans une maison de santé soviétique. Au début de l'année 1955, Nagy est à son tour sous les feux de la critique soviétique. Affaibli par des problèmes de santé, il quitte son poste en avril. Rakosi fait son grand retour.


A ce contexte intérieur chaotique, s'ajoute le rapport du XXe congrès du PCUS qui critique Staline et le culte de la personnalité. Dans le bloc de l'Est, les conséquences vont se multiplier, en premier lieu en Pologne. Rajk (pendu pour titisme en 1949) est réhabilité le 27 mars par les autorités hongroises mais cela ne suffit pas à calmer la volonté de changements d'une grande partie de la population. L'épouse de Rajk réclame l'éviction de la direction du parti des coupables. Le 27 juin, des milliers de personnes se retrouvent pour réclamer le retour de Nagy. Rakosi réagit dans la grande tradition stalinienne par des exclusions.
Les Soviétiques s'inquiètent bientôt de la situation et débarquent Mikoyan et Souslov à Budapest qui poussent Rakosi à la démission. Bientôt Nagy est rappelé. Des obsèques officielles de Rajk ont lieu en présence de 300 000 personnes. L'atmosphère est lourde.



Les événements s'accélèrent également en Pologne où Gomulka parvient au pouvoir. Les étudiants hongrois décident de lui apporter son soutien par une grande manifestations organisée le
23 octobre. 50 000 personnes se rassemblent ; Nagy se présente au micro alors que la foule est grosse de 200 000 personnes. La faucille et le marteau ont été arrachés des drapeaux hongrois. Le discours du dirigeant communiste déçoit. Vers 21 heures, des coups de feu sont tirés. La statue de Staline est déboulonnée. Le Comité Central se rassemble devant l'urgence. Nagy est institué président du Conseil.

char russe

Un char russe dans les rues de Budapest. Paris-Match, samedi 22 décembre 56

Un communiqué annonce bientôt l'intervention des troupes soviétiques conformément à un article virtuel du pacte de Varsovie ; en réalité, les troupes sont entrées sans attendre la permission de la direction du parti hongrois.

Le président du Conseil annonce des réformes à la radio et incite les manifestants à déposer les armes. En plusieurs endroits, les tankistes russes fraternisent avec les manifestants. A 14 heures, rien n'a changé. Mikoyan et Souslov donnent à Kadar la direction du parti en remplacement de Gerö. Kadar était ministre de l'Intérieur au moment de l'affaire Rajk. Il fut chargé par Rakosi de proposer à Rajk d'avouer des crimes imaginaires en échange de la vie sauve. Rajk accepta et fut cependant tué. Ce jour, Kadar ne parle à la radio que de répression et de l'assistance de nos "frères et alliés les soldats soviétiques".

La grève gagne tout le pays. Le Conseil de Sécurité de l'ONU condamne l'intervention de l'armée rouge (28 octobre). Le même jour les troupes israéliennes se lancent à l'assaut de l'Egypte.

Le premier ministre britannique Anthony Eden répond aux Soviétiques qui critiquent l'attitude anglaise à Suez :

"Le monde entier sait que, depuis trois jours, les forces soviétiques de Hongrie écrasent sans ménagement l'héroïque résistance d'un véritable mouvement d'indépendance nationale, mouvement qui, proclamant sa neutralité, montre bien qu'il ne présente aucune menace pour la sécurité de l'Union Soviétique. En pareil moment il convient mal au gouvernement soviétique de qualifier les actes du gouvernement de Sa Majesté de "barbares". Les Nations Unies vous ont demandé de renoncer à toute attaque armée contre le peuple de Hongrie, de retirer vos forces de son territoire et d'accepter la venue d'observateurs de l'ONU dans le pays. A votre réponse, le monde jugera de la sincérité des mots que vous avez estimé bon d'employer à l'égard du gouvernement de Sa Majesté".

Le surlendemain, l'immeuble de la fédération communiste du Grand Budapest est pris d'assaut ; ses occupants sont massacrés (une cinquantaine de personnes) dans une grande violence.
Nagy renonce au système du parti unique. L'URSS semble soutenir.


La menace d'une nouvelle intervention soviétique se précise pourtant ; Nagy et Kadar s'en offusquent. Mais Kadar à déjà rejoint la zone soviétique quand les chars reviennent. Le 4 novembre, une déclaration radio de Kadar annonce à 5h05 l'intervention et la justifie par un danger "contre-révolutionnaire". "Les Russes attaquent méthodiquement et brutalement à la fois, avec des centaines de chars, n'hésitant pas par exemple à mitrailler de plein fouet une queue de ménagères à la porte d'une boutique de ravitaillement". Nagy est exécuté. L'ONU condamne mais n'intervient pas. L'Assemblée générale approuve un long texte émanant des États-Unis mais il est trop tard.

 

D'après André Fontaine, Histoire de la guerre froide, Seuil