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L'AFFAIRE DU CANAL DE SUEZ, 1956

La nationalisation du canal de Suez, le 26 juillet 1956, intervient dans un climat assez difficile dans le monde arabo-israélien. La réaction de la France et de l'Angleterre, cogestionnaires du trafic sur le canal ne se fait pas attendre. La France accélère ses livraisons d'armes à l'État hébreu. Eden, le premier ministre anglais veut se débarrasser de Nasser mais ne souhaite pas se brouiller avec le reste du monde arabe. Le premier ministre israélien est également inquiet par l'attitude de l'homme fort du Caire. Ben Gourion déclare en effet le 17 octobre : "le principal danger provient du dictateur égyptien qui domine les autres États arabes et ne se lasse pas de proclamer son intention de détruire Israël".
Le Caire refuse d'accepter le libre passage des bateaux israéliens sur le canal. L'Union Soviétique met son veto au vote d'une résolution pour condamner l'Égypte.
La pauvreté n'est pas une honte, mais c'est l'exploitation des peuples qui l'est. Nous reprendrons tous nos droits, car tous ces fonds sont les nôtres, et ce canal est la propriété de l'Égypte. La Compagnie est une société anonyme égyptienne, et le canal a été creusé par 120 000 Égyptiens, qui ont trouvé la mort durant l'exécution des travaux. La société du canal de Suez à Paris ne cache qu'une pure exploitation (...).
Nous déclarons que l'Égypte en entier est un seul front, uni, et un bloc national inséparable. L'Égypte en entier luttera jusqu'à la dernière goutte de son sang pour la construction du pays. Nous ne donnerons pas l'occasion aux pays d'occupation de pouvoir exécuter leurs plans, et nous construirons avec nos propres bras, nous construirons une Égypte forte, et c'est pourquoi j'assigne aujourd'hui l'accord du gouvernement sur l'établissement de la Compagnie du Canal. Nous irons de l'avant pour détruire une fois pour toutes les traces de l'occupation et de l'exploitation.
Après cent ans chacun a recouvré ses droits et, aujourd'hui, nous construisons notre édifice en démolissant un État qui vivait à l'intérieur de notre État (...). Nous devons donc tous travailler et produire malgré tous les complots ourdis contre nous. Je leur dirai de mourir de dépit, nous construirons l'industrie égyptienne.

Extrait du discours de Nasser du 26 juillet 1956 à Alexandrie

Un scénario est mijoté en grand secret par la France, la Grande-Bretagne et Israël. "Lorsque les Égyptiens aurons attaqué l'Égypte, la France et la Grande-Bretagne prendront prétexte de ce que la sécurité du canal est en péril pour adresser aux deux belligérants un ultimatum les invitant à retirer leurs troupes, sans quoi elles occuperont la zone du canal". La décision est prise d'une attaque le 26 octobre en direction du canal par Israël. "l'ultimatum franco-anglais sera envoyé le 30 pour laisser aux soldats juifs le temps d'arriver à proximité du canal, Ben Gourion acceptera les termes de cet ultimatum en faisant reculer ses troupes de 15 km, la RAF et l'aviation française pilonneront les aérodromes égyptiens à partir du 31 et le corps expéditionnaire débarquera le 6 novembre, soit le jour de l'élection présidentielle américaine".
Eisenhower, en tournée électorale, réagit très vivement et obtient la convocation du Conseil de sécurité de l'ONU. Le veto de la France et de la Grande-Bretagne empêchent le vote d'une résolution ; devant l'Assemblée générale, réunie en session extraordinaire, une large majorité du pays condamne Israël. Mais les troupes de l'Etat hébreu poursuivent leur progression à l'intérieur du Sinaï.
L'Égypte empêche la circulation sur le canal en coulant des bateaux chargés de ciment.

Nasser
Nasser, Paris-Match, septembre 1956


Le débarquement est prévu pour le 6 novembre ; les États-Unis et le secrétaire général de l'ONU cherchent à l'empêcher. L'Assemblée générale demande un cessez-le-feu mais les troupes franco-anglaises ont commencé à faire mouvement. Le soir du 5 novembre à 20 heures, les Soviétiques demandent une réunion d'urgence du Conseil de sécurité et menacent : "Il y a des pays qui n'ont pas besoin d'envoyer des forces navales ou aériennes sur les côtes de Grande-Bretagne, mais pourraient utiliser d'autres moyens, tels que des fusées". Eisenhower reste persuadé que les Russes bluffent. Les Américains rappellent aux Anglais les liens financiers qui les unissent. En fin de matinée, Eden est informé que Washington propose un prêt d'un milliard de dollars si un cessez-le-feu intervient. Le premier ministre anglais cède, appelle Guy Mollet qui renonce à son tour.

D'après André Fontaine, Histoire de la guerre froide, Seuil.