HISTOIRE GƒOGRAPHIE SUR LE WEB
Naitre sous l'Ancien-Regime

Mariage
Premier enfant
Grossesse
Avortements et infanticides
Témoignages
Mortalité infantile
La mort relativisée
Dans la famille
Ariès

Grands principes

La principale source pour l'historien démographe est constituée du corpus des registres paroissiaux dépouillés par Pierre Goubert et Louis Henry. Ces actes révèlent la légitimité des nouveaux-nés, l'écart entre naissance et baptême, l'âge, l'état matrimonial antérieur, l'origine géographique des époux, l'âge des personnes décédées...
Le célibat est une situation très rare (10 à 12 %) chez les hommes et les femmes de plus de cinquante ans. Le mariage est tardif : environ 25-27 ans pour les hommes et 25-26 ans pour les femmes. Ils unissent des personnes de communes souvent limitrophes ou de la même commune. La naissance du premier enfant est de ce fait retardée. L’illégitimité des naissances est faible comme les conceptions prénuptiales (2 % dans les campagnes et 5 % dans les villes).

Mariage

Avec l’intervalle entre les naissances, le mariage tardif est le seul contrôle des naissances. L'allaitement freine la fécondité "dans la mesure où une femme qui allaite est, le plus souvent, provisoirement stérile". Le régime est de l’ordre de 6, 8, 10 naissances dans une vie de femme (4 à 5 si on considère l'ensemble des familles dont celles amputées par un décès). La dernière intervient vers 40 ans. Les comportements sont influencés par la morale ascétique de l’Eglise de l’époque. Les naissances viennent quand les familles peuvent subvenir à leurs besoins.
La ponction des mortalités endémiques et catastrophiques est très importante : guerres, famines et épidémies. Si bien que le nombre de veuvages et de remariages est considérable : un mariage sur quatre au moins est un remariage. Au total, la population augmente donc très faiblement. L'espérance de vie ne dépasse pas les 30 ans, chiffre trompeur car le nombre d'hommes et de femmes qui dépassent cet âge est considérable (effet des moyennes). Les grandes crises tendent à disparaître au XVIIIe siècle et la mortalité commence donc à baisser, début de la transition démographique.

Premier enfant

Le premier enfant arrive 10 à 18 mois après le mariage puis les autres arrivent tous les deux ans. Sur les huit à dix naissances, trois ou quatre arrivent à l’âge adulte. En ville, nuptialité et mortalité sont plus fortes. Le besoin d’un héritier mâle est crucial. Lorsque les naissances ne viennent pas, personne ne peut supposer l’infertilité des hommes.
La femme est considérée comme un ventre même si elle ne transmet pas la noblesse. Les rites de fécondité revêtent une grande importance : souvent attachés à la Vierge Marie, ils se perpétuent dans de nombreux lieux de pélerinages et de dévotions. les interventions des conjureurs viennent lorsque l'échec est patent (sorcières, matrones et aînées). Cette stérilité touche environ 10 % des couples. La séparation n'est pas possible pour eux ; juste l'espoir d'un veuvage et d'un remariage.

Grossesse

Les femmes dans les familles soutiennent celles qui attendent un enfant. Une certaine culture médicale est transmise par des livrets diffusés dans les villes et les campagnes par les curés. Le travail de la femme enceinte ne cesse pas. Les fausses couches à la suite d'accidents sont en conséquence assez fréquentes.

Avortements et infanticides

Les autorités mènent une lutte impitoyable contre les avortements et les infanticides. La peine de mort est par exemple appliquée par les édits de 1556 et 1586. L'Eglise refuse l'absolution. La conséquence est la multiplication des abandons d'enfants. Des procédés de contrôle des naissances sont utilisés comme le coïtus interruptus ou la capote d'assistance. Les funestes secrets se répandent à la fin du XVIIIe siècle. Les délais entre les naissances augmentent logiquement.

Accouchement

L'accouchement est attendu avec beaucoup de fatalisme ; il se fait dans une douleur aceptée : "tout pousse à vivre la délivrance comme une passion". les décès en couches se révèlent très nombreux,

Une sage-femme des Lumières Madame de Coudray parle de l'accouchement : "En attendant le moment de délivrer la femme, on doit la consoler le plus affectueusement possible : son état douloureux y engage ; mais il faut le faire avec une air de gaieté qui ne lui inspire aucune crainte de danger. Il faut éviter tous les chuchotements à l'oreille, qui ne pourraient que l'inquiéter et lui faire craindre des suites fâcheuses. On doit lui parler de Dieu et l'engager à le remercier de l'avoir mise hors de péril. Si elle recourt à des reliques, il faut lui représenter qu'elles seront tout aussi efficace sur le lit voisin qui si on les posait sur elle-même, ce qui pourrait la gêner..."

Les femmes accouchent chez elles. Les naissances hospitalières sont très rares et ne concernent que les plus pauvres. Les hommes sont exclus de la cérémonie. Les médecins progressistes veulent éloigner l’animation qui règne autour de la femme. “L’accouchement se fait longtemps en position assise, au lit, en tenue de jour.” Au siècle des lumières, la position allongée se répand.
Le rôle principal est donné à une matrone de 50 ans au moins, appelée sage-femme qui intervient gratuitement. L’accoucheuse de village est prise en charge par le clergé paroissial qui veille à surveiller ses moeurs. Ensuite sages-femmes et accoucheuses bénéficient d’une formation. Les hommes sont alors acceptés. Madame de Coudray parcourt la France avec son mannequin au XVIIIe siècle. L’infection puerpérale et la mortalité périnatale resteront cependant invaincues.

“Deux Savoyards montèrent sur des meubles pour voir plus à leur aise la reine placée en face de la cheminée, sur un lit dressé pour le moment de ses couches. Ce bruit, le sexe de l’enfant que la reine avait eu le temps de connaître par un signe convenu, dit-on avec la princesse de Lamballe, ou une faute de l’accoucheur, supprimèrent à l'instant les suites naturelles de l'ccouchement. Le sang se porta à la tête, la bouche se tourna, l'accoucheur cria : ”De l’air, de l’eau chaude, il faut une saignée au pied ! ”. Extraits des mémoires de Madame Campan, Naissance de Marie-Thérèse de France en 1778

“Au moindre tracas qui survient, on le suspend à un clou comme un parquet de hardes ; et tandis que, sans se presser, la nourrice vaque à ses affaires, le malheureux reste ainsi crucifié. Tous ceux qu’on a trouvés dans cette position avait le visage violet ; la poitrine fortement comprimée ne laissant pas circuler le sang, il remontait à la tête ; et l’on croyait le patient fort tranquille parce qu’il n’avait pas la force de crier...” J.J. Rousseau, L’Emile


“D’après tant de cruels traitements, les Suppliants ne sont-ils pas en droit de vous demander, Nosseigneurs, de les délivrer pour toujours de ces sempiternelles matrones, grossières, laides à faire évanouir, ineptes, inacapables de nous donner aucun secours, gauches à outrance, qui la plupart ont des mains aussi larges que des battoirs, et pour le moins aussi épaisses que des épaules de mouton ; la peau noire comme celle d’un nègre, et aussi rude que celle de chagrin, ou pour le moins comme l’écorce d’un vieux chêne, plus propres, sans contredit, à écorcher ce qu’elles touchent, et à mettre des entraves à notre passage dans un voyage si périlleux, qu’à nous faciliter la route simple et naturelle.”
Requête en plaine..” Pamphlet de Jean François Icart, accoucheur à Castres.

Mortalité infantile

La mortalité infantile touche 30 % des bébés.

Malformations, accidents de grossesse, traumatismes des accouchements, ongles mal lavés des matrones, pansements non stériles, coups de froid pendant les baptêmes, coliques, diahrées, fièvres, typhoïdes, dysenteries, entéroclites sont les principales causes des mortalités avant une année... Les bébés allaités sont en partie protégés. Les accidents sont fréquents : coup de chaleur, étouffement dans le lit familial, entéroclites. La mise en nourrice est une méthode fréquente dans les villes. C’est une pratique qui permet la poursuite des activités des couples, une nouvelle grossesse mais des enfants ainsi placés dans les campagnes ne reviennent pas. Ainsi un enfant sur quatre meurt avant d'atteindre l'âge de un an et le nombre de naissance est tout juste suffisant pour assurer le remplacement des générations (aujourd'hui un enfant sur cent). Jusqu'à 15 ans un autre quart ne survit pas, notamment au sevrage.

La mort relativisée


La force du sentiment religieux permet de relativiser le décès prématuré d'un enfant mais le baptême doit donc se dérouler rapidement. Les sanctuaires à répit permettent de baptiser les enfants morts pendant les quelques instants où on le croît renaître.

Août 1657, Langres : "Lesquels ont déclaré que la dite Miou accoucha hier environ le midy d'un fils mort-né, lequel ayant apporté en ce lieu et exposé devant l'image de la Sainte Vierge en l'église de ce lieu environ les sept heures de l'après midi. Lequel enfant n'avait aucun mouvement et environ une demie-heure après qu'il fut devant ladite image, ils sentirent l'un après l'autre mouvements et battements sur le coeur et en la tempe dudit enfant avec chaleur et virent les bras d'icelui changer de couleur ; ce qu'ils ont affirmé par serment..."

Premiers pas dans la famille

Les enfants dans la famille

Voir aussi : enfance de Louis XIII et XV

L'enfant vit avec les adultes dans une pièce unique ; il est rarement mis au berceau. Il est entouré d'objets symboliques censés le protéger et éloigné des animaux domestiques et des crapauds. L'emmaillotement, l'allaitement, le couchage avec les parents (pourtant condamné par l'Eglise) sont les règles. Au sevrage, l'enfant se nourrit de boullies prémachées par la mère et se met à porter une robe. L'enfant reste sale car cela est signe de bonne santé. Ces pratiques sont condamnées par les réformateurs sauf l'allaitement maternel. À la fin du XVIIIe siècle, de nouvelles tendances médicales s'imposent en pédiatrie. Devant les premiers symptomes, en général, l'enfant est tenu au chaud avec des tisanes ; dans les milieux éclairés, le praticien est appelé.
Jusqu'à sept ans, l'enfant joue (poupée de chiffon, têtes de chevaux, toupies, cages à oiseaux et brouettes l'entourent). Les enfants suivent leur mère dans la cour de la ferme ou dans la rue, en ville. L'enfant participe ensuite de plus en plus aux activités de la famille. La mère est aussi celle qui raconte en puisant par exemple dans les contes de Perrault.

Aries et sa théorie

La théorie de Philippe Aries est aujourd'hui largement corrigée ; elle repose sommairement sur deux idées : l'amour des parents pour leurs enfants est née avec le contrôle des naissances et la baisse de la fécondité soit à la fin du XVIIIe siècle ; avant l'enfant n'est qu'un adulte en devenir et la forte mortalité empêche l'amour maternel et paternel.

  • "Notre littérature classique ignore l'enfant avec plus de rigueur que la Renaissance. C'est un être trop primitif. Son âme indigente, sa psychologie trop naïve ne suffisent pas à nourrir les passions subtiles et balancées de la grande tragédie. Il reste encore trop proche de l'instinct. La Fontaine méprise ce petit être cruel et illogique, moins rationnel que l'animal. Cet âge est sans pitié."

  • "Avant l'enfant, la famille était avant tout une institution sociale chargée d'assurer la continuité du patrimoine, le respect des bonnes moeurs, et par conséquent le bon ordre de la société. La famille pouvait très bien subsister sans ce lien sentimental entre ses membres que nous appelons "l'esprit de famille" et qui constitue pour nous l'essentiel de la parentèle.

Ariès, Histoire des populations françaises

D’après Pierre Goubert, Daniel Roche (Les Français et L'Ancien Régime), Philippe Aries et François Lebrun (Histoire, février 1982).

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