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SOMMAIRE
LA POPULATION EN CHINE

Le cinquantenaire de la Chine populaire

La Chine connaît depuis 1979 une mutation radicale de sa société et de ses structures économiques ; une mutation lourde de dangers pour le parti communiste au pouvoir en l'absence de réformes politiques ; une mutation inégalitaire et chaotique à l'origine de tensions sociales.


L'idée formulée par le parti communiste chinois est de construire le socialisme sur la base d'un capitalisme avancé, contrôlé par l'Etat : "il est maintenant clair pour nous que la Chine devra construire le socialisme dans la situation que Marx avait envisagé, sur la base d'un capitalisme hautement développé" disait l'économiste Qian Jiayu en 1988.
En raison de la faible qualification de sa main d'œuvre, la Chine a souhaité s'orienter vers une industrie légère, à forte intensité de capital et de technologie, destinée à l'exportation, après de longues années consacrées à l'industrie lourde étatique. Dans cette optique, beaucoup d'activités ont été relocalisées.

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La Chine urbaine, entre tradition et modernité



La Chine s'est spécialisée comme les NPI dans des produits fabriqués aux prix les plus bas, avec des salaires très faibles et une main d'œuvre très flexible. Il a fallu jouer avec les liens encore tenus entre entreprise et État : par exemple dans le domaine de la fixation des prix (l'État achète moins cher).Les entreprises d'Etat sont cependant aujourd'hui moins dynamiques que les autres. L'État est intervenu pour dynamiser son secteur avec un système de salaires variables et des contrats de travail temporaires même si les erreurs de gestions sont encore compensées par les collectivités locales.

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Le problème des réformes à l'époque de Deng Xiaoping


"Le problème géographique de l'agriculture chinoise est d'avoir à nourrir le cinquième de la population mondiale au moyen du quinzième de la superficie mise en culture. Problème formidable, aggravé par deux faits structurels difficiles à faire évoluer rapidement : la croissance de la population et la part très importante des céréales dans l'alimentation. Ainsi, de 1952 à 1990, la production de céréales est passée, grand progrès, de 164 à 405 Mt. Les bouches à nourrir, de 575 à 1 143 millions, problématique "malthusienne" ou pas."

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Parmi les difficultés auxquelles se heurtent les autorités chinoises, il y a l'exode rural lequel prend tout de suite une grande ampleur dans un pays de plus d'un milliard d'habitants alors que les besoins en paysans sont de moins en moins importants. Des millions de paysans errent ainsi dans les villes à la recherche d'un emploi. Ils reviennent dans les campagnes pour être embauché dans les travaux saisonniers. "Les conditions de travail sont plus proches des terribles débuts de la révolution industrielle en Europe que des desseins mirifiques que garantissent d'atteindre le défunt socialisme. Longues journées de travail, protection sociale et sécurité inexistantes, absence d'indemnisation pour accident, surexploitation des femmes, abus d'autorité des chefs, ponctions arbitraires sur les salaires, logements indescriptibles d'inconfort..."

Néanmoins, le taux de croissance en Chine a longtemps été proche des 10 %. Depuis 1978, quelques 160 millions de Chinois sont sortis du seuil de pauvreté.
Depuis, les effets de la crise du sud-est asiatique ont été et sont encore perceptibles en Chine :

"La chute du yen a un impact négatif sur les exportations chinoises. Le Japon représente un débouché majeur pour Pékin ; il reçoit le quart de ses exportations, désormais concurrencées par des produits plus compétitifs venus des autres pays asiatiques. Les exportations de la Chine, dont 60 % sont absorbés par l'Asie, ont déjà chuté, en 1998, de 9,2 %, freinant ainsi dangereusement sa croissance. Depuis vingt ans, celle-ci dépassait les 10 % ; en 1998, elle n'a pas atteint, officiellement, 8 %, et se situe, en réalité, en dessous de 5 % ! De leur côté, les investissements directs étrangers ont chuté, en 1998, de 25 %. A cela s'ajoutent, dans ce pays « communiste » où les écarts de richesse sont, proportionnellement, plus grands qu'aux États-Unis, les effets de la restructuration en cours des entreprises d'Etat, qui se traduit par des licenciements massifs : 30 millions de salariés urbains ont perdu leur emploi, et il y a 160 millions de paysans en surnombre dans les campagnes. Les autorités découvrent que construire le capitalisme sans la démocratie est une épreuve à hauts risques. Car la corruption endémique et le népotisme attisent les mécontentements. La création d'emplois se révèle insuffisante pour absorber les nouvelles vagues de chômeurs, ce qui pousse le gouvernement à chercher une relance volontariste de l'activité par l'augmentation massive de la dépense publique (1 000 milliards de dollars de dépenses d'ici à 2001). " (Monde Diplomatique-mars 1999). Le chômage croît à la vitesse où les entreprises d'État licencient : "D'après une équipe chinoise de recherche, treize millions de personnes ont été licenciées en 1997, et vingt millions d'autres le seront en 1998 (4). Une source différente évoque douze millions de licenciements en 1998 et onze millions en 1999 (5), le bureau des statistiques en annonçant même quatorze millions pour 1998 (6). Seule une faible part de ces licenciés ayant retrouvé du travail, on peut estimer que, au début de 1999, le nombre de xiagang oscille entre vingt et vingt-cinq millions de personnes. Si l'on ajoute à ce chiffre les chômeurs enregistrés, on peut situer le nombre des sans-emploi dans une fourchette comprise entre vingt-six et trente et un millions, soit de 18 % à 20 % de la main-d'œuvre urbaine. Par ailleurs, les autorités forcent parfois les gens à prendre une retraite anticipée (tiqian tuixiu) de manière très précoce : quarante-cinq ans pour les femmes et cinquante ans pour les hommes. " (Le Monde Diplomatique, janvier 1999)

Cinq zones économiques spéciales ont été ouvertes par le gouvernement de la république populaire de Chine. Outre Shenzhen, dans le province de Canton, il y a Zhuhaï, Shantou, Ximen et l'île de Haïnan. Instaurées dans le cadre du programme dit des "quatre modernisations" au début des années 80, les ZES ont un statut proche de celui des zones franches et permettent "d'expérimenter des modes de gestion occidentaux". En fait d'expérimentation, ces zones sont devenues de véritables enclaves capitalistiques qui jouent un rôle de plus en plus important dans les échanges extérieurs de la Chine.

Les régions côtières sont les plus dynamiques et réalisent l'essentiel des exportations. Si les solidarités communautaires ont amorti le choc des mutations ; certaines régions où l'État s'est retiré voient apparaître des comportements de prédation. Une nouvelle technocratie est née qui a mis la main sur les investissements, les marchés, la finance.

L'avenir de la Chine se jouera dans la capacité du pays à régler les énormes contradictions qui pointent : oppositions côte-intérieur, riziculture-élevage, ville-campagne, élite-masse, centre chinois-marges non chinoises, secteur public-initiative privée, autoritarisme nécessaire-liberté souhaitable...

D'après Philippe Gentelle, La Chine dans la Géographie Universelle