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POURQUOI HOMÈRE RAISONNE-T-IL ENCORE SI FORT DANS NOS CŒURS ?
Guerre de Troie
Jean-Baptiste Regnault, La mort de Priam (1754-1819)
Daniel Van Heil, L'incendie de Troie

Homère a toujours simplifié les émotions et les comportements de ses héros. Colère, pitié, honneur et tendresse sont les sentiments les plus courants. Homère ne décrit pas physiquement ses personnages. Ainsi Hélène est juste "Hélène aux bras blancs". Il est de ce fait facile de s'identifier à ce personnage -même aujourd'hui- ce qui rend si actuelle l'oeuvre du poète. Les réactions des personnages ne sont pas analysées. Les sentiments sont fondamentaux et intemporels. Pourtant les acteurs du drame se différencient facilement : Achille ne ressemble jamais à Hector ou Ulysse même s'il passe de la colère à l'attendrissement en peu de temps.
Si les héros sont supérieurs à la moyenne des êtres humains, ils sont surtout des modèles et terriblement
humains : "les héros homériques, eux, sont sans doute beaux et vaillants, mais toujours à la mesure humaine, même quand ils sont fils d'un dieu et d'une mortelle (comme Achille) ou d'une déesse et d'un mortel (comme Enée)". Ils rencontrent la mort. Ils refusent même l'immortalité comme Ulysse qui préfère rejoindre Ithaque plutôt que de choisir de s'unir avec Calypso. Ils sont perclus de doutes, ils pensent parfois renoncer à la bataille, et commettent des erreurs. Homère s'arrête sur celui qui perd la vie pour évoquer tout ce que perd celui qui part.
La pitié est partagée par les dieux : "Zeus plaint ainsi les chevaux immortels qu'Achille a reçus de son père Pelée et qui sont, par là même, mêlés aux souffrances du destin humain. Achille les prête à Patrocle ; et Patrocle est tué. Les chevaux alors pleurent des larmes brûlantes". Homère ne choisit pas un camps. Briséis est captive des Achéens tandis qu'Hécube ou Andromaque angoissent dans Troie : il y a égalité. Le respect de l'autre, l'hospitalité sont exaltés. Le livre s'achève sur deux deuils de chaque côté : le
grec Patrocle et le troyen Hector. L'Enéide qui s'inspire largement de l'Iliade est lui beaucoup plus motivé par la glorification de Rome.
Les
dieux sont omniprésents et très puissants : "Tantôt ils envoient un rêve. Ou ils détournent une flèche. Ou ils enveloppent un combattant d'une nuée impénétrable, et le transportent au loin". L'Iliade pourtant, contrairement à l'Odyssée, limite le fantastique aux dieux ; il n'y a pas de mondes peuplés de monstres et encore moins de métamorphoses des dieux. Les dieux se dissimulent parmi les hommes et parviennent parfois à se confondre avec eux. Les miracles servent les rebondissements : une pluie de sang salue la mort de Sarpédon, fils de Zeus. Le cheval d'Achille parle une seule fois. L'Iliade prend alors l'allure d'une tragédie née dans le coeur des hommes : c'est dans l'esprit des hommes que se joue le drame. Quand Athéna aide Ulysse en se faisant passer pour un jeune pâtre, elle lui donne un soutien familier. À l'inverse, ses adversaires subissent la cruauté des dieux.
Lorsque les dieux sont manifestement en faveur de l'adversaire, le héros passe outre : c'est le cas d'Ajax au chant XVII.
Des êtres plus ordinaires peuplent le récit : Thersite, les captives et les écuyers.Tout un monde de paysans et de travailleurs figurent sur le bouclier d'Achille. De petis métiers entrent en action : corroyeurs qui tirent sur le cuir ; le charpentier, vanneurs et moissonneurs, le berger montagnard.
Autre caractère ordinaire dans le tempérament de ces mortels, ils prennent les décisions ensemble, réunissent des conseils ou des assemblées et font des discours.
En somme et en guise de conclusion, "la poésie d' Homère prépare les analyses du Ve siècle athénien ; mais elle reste encore au ras du concret, mêlée à l'action, rapide et vivante : elle montre des hommes ; elle montre l'homme ; mais elle n'en offre jamais un portrait raisonné, et moins encore une science. Pour arriver à ce résultat, il fallait attendre de voir l'esprit grec, si puissamment présent en ces débuts de la littérature grecque, se rencontrer avec l'essor intellectuel d'Athènes au Ve siècle".

D'après J. de Romilly, Pourquoi la Grèce, Edition de Fallois

Troie sous les flammes