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ROBESPIERRE, PORTRAIT

L'itinéraire de Robespierre est parfois expliqué par son enfance : sa mère meurt alors qu'il est âgé de 6 ans et son père le délaisse. Robespierre passe alors son enfance entouré d'une famille très pieuse, de longues années au collège Louis-le-Grand. Boursier, il s'acharne au collège pour conquérir ce qui lui faisait défaut. À vingt-deux ans, il termine ses études pourvu d'un certificat de bonne conduite, d'une gratification et d'une licence en droit. Avocat, il a rétabli sa position sociale et ses chances quand il s'installe à Arras. Dans cette ville, on lui connaît une vie tranquille, proche de sa soeur Charlotte. Ses plaidoiries sont appréciées. Il est accepté dans la bonne société. Pendant la Révolution, il ne trouve pas tout de suite une place d'autant que ses discours se perdent dans des digressions sans fin. Sur le fond, Robespierre se prononce contre le suffrage censitaire, pour une totale liberté de la presse, pour une balance au pouvoir absolu du roi et le droit de contrôler les élus, contre la politique coloniale de Barnave, en faveur de l'émancipation des Juifs ou de l'abolition de la peine de mort. Robespierre devient le président du club des Jacobins en avril 1790 et c'est là qu'il acquiert sa notoriété. La vie de Robespierre se confond avec la Révolution. Il ne cesse de dénoncer les complots. "Il remporta, le 16 mai 1791, avec le décret prononçant la non-rééligibilité des constituants, la seule grande victoire que ceux-ci lui aient concédée". Il prend position contre Brissot engagé dans une surenchère guerrière. Il se prononce aussi pour maintenir, contre une réforme, la constitution de 1791 en pensant à un complot ourdi par ses adversaires.


Sa popularité profite de la manifestation du 10 août 1792. En décembre 1792, Robespierre se prononce en faveur de la mort du roi sans procès : son exécution est pour lui une mesure de salut public. Louis XVI ne peut être innocent sinon c'est la révolution qui est en accusation. Le 2 juin 1793, la chute des Girondins au profit de l'opposition montagnarde, le porte enfin au pouvoir. Il est élu le 27 juillet au Comité de Salut Public. Les 4 et 5 septembre, la Terreur est mise à l'ordre du jour : "La terreur n'est autre chose que la justice prompte, sévère, inflexible ; elle est donc une émanation de la vertu ; elle est moins un principe particulier qu'une conséquence du principe général de la démocratie appliquée aux plus pressants besoins de la patrie" (Robespierre, discours du 5 février 1794). Les Hébertistes (le 24 mars 1794) et les Dantonistes (le 5 avril) subissent la répression. "Il préparait les lois que la Convention votait sans discussion, les faisait appliquer par des agents nommés par lui, et punissait ceux qui les enfreignaient au moyen d'un tribunal révolutionnaire à sa dévotion", ceci même après que la situation militaire se soit rétablie. Le 7 mai 1794, la Convention décrète l'existence de l'Etre Suprême, car Robespierre -bien que très hostile aux catholiques- ne l'est pas au principe religieux et à une règle morale. Le 10 juin 1794 est votée une loi qui supprime "toute apparence de justice dans la procédure du Tribunal Révolutionnaire". Il se réfugie dans une sorte de solitude qui permet à ses ennemis de se compter et de se révéler le 8 thermidor provoquant l'exécution le 9.


Laissons l'historien Patrice Guenifrey raconter avec beaucoup de talent cette mémorable séance : "Le dantoniste Bourdon de l'Oise donna le branle, et tous se levèrent, les uns après les autres, une accusation en appelant une autre. Et l'on vit cette chose inimaginable quelques mois auparavant : Robespierre muet, incapable de répondre sinon par des protestations de bonne foi, désarçonné par la renaissance d'une opposition qu'il croyait avoir brisé le jour de l'arrestation de Danton. Le lendemain, lorsque la Convention sonna l'heure de la curée, Saint-Just s'effondra pareillement. Robespierre et ses amis connaissaient la suite : le décret d'arrestation, le Tribunal révolutionnaire, l'échafaud". Robespierre a succombé en effet devant une coalition hétéroclite qui comprend d'anciens représentants en mission rappelés en raison de leurs excès par le Comité de salut public (Fouché, Tallien, Barras), des députés du centre (Boissy d'Anglas), des membres du Comité de salut public (Carnot, Billaud-Varenne, Collot d'Herbois), du Comité de sûreté générale (agacé par la création au Comité de salut public d'un bureau de police concurrent dominé par Robespierre) et du Comité des finances (Cambon), d'anciens dantonistes enfin (Legendre). La partie décisive se joue à la Convention le 9 thermidor. À peine Saint-Just est-il monté à la tribune qu'il est interrompu par Tallien. Préparée pendant la nuit, l'offensive parlementaire se développe contre Robespierre. Lorsque l'Incorruptible veut se défendre, sa voix est couverte par les cris. La Convention décrète son arrestation ainsi que celles de Saint-Just, de Couthon, de Lebas et d'Augustin Robespierre. 
 

Idéologiquement, Robespierre n'est pas défavorable à la propriété mais il est en revanche favorable à un meilleur partage des biens, notamment en faveur des indigents pour une meilleure égalité. Bien qu'il s'en défende, Robespierre se comporte avant son exécution de plus en plus comme un dictateur : "Nous sommes intraitables comme la vérité, inflexibles, uniformes, j'ai presque dit insupportables comme les principes." Il était profondément convaincu de la justesse de ses vues, ceux qui ne les partageaient pas ne pouvaient être que des traîtres à la cause du peuple, ils devaient être éliminés.


D'après le dossier de la revue l'Histoire, "Robespierre, portrait d'un tyran" et l'article de Patrice Gueniffey (maître de conférences à l'Ecole des hautes études en sciences sociales) (Numéro 177)