Moderne
SOMMAIRE

TIZIANO VECELLIO DI GREGORIO (circa 1490-1576)
Canvas (332x279 cms)
Italian School. Renaissance
16th Century - Prado

Le futur Charles Quint est devenu empereur par la conjonction d’un ensemble d’événements où le hasard a fait son bonheur.
Il est né à
Gand, dans la nuit du 24 au 25 février 1500, au Prinzenhof, palais aujourd’hui détruit. Fils de Philippe le Beau et de Jeanne la Folle, l’une des filles des Rois Catholiques, Ferdinand et Isabelle.

En 1506, la mort prématurée de son père en Espagne, à Burgos, a fait de Charles l’héritier des Pays-Bas. Il y régna dès lors sous la tutelle de sa tante, Marguerite d’Autriche. En janvier 1516, Ferdinand le Catholique meurt et laisse à son petit-fils les royaumes d’Espagne. Les royaumes de Naples, Sicile, Sardaigne, une partie de l’Amérique tombent dans son escarcelle. Charles de Gand est proclamé le 23 mars 1516, à Bruxelles, dans l’église Sainte-Gudule, roi d’Espagne et prend alors le titre de Carlos Primero.
En 1519, Maximilien, empereur d’Allemagne décède à son tour. Charles va alors hériter des Etats autrichiens. Il devient empereur en l’emportant dans le coeur des Electeur sur François Ier. Au total, Charles Quint cumule plus de 70 titres.

Dans son enfance, Charles Quint ne parait pas son rang comme le déclare son grand père Maximilien : “N’était son amour de la chasse, je penserais que Charles est un batard”. Un paysan se moque même de sa mâchoire proéminente souvent ouverte : “Attention, Sire, ici les mouches sont insolentes”.

Plus tard, la conception du pouvoir du souverain est peut-être contenue dans cette formule :
“Mon intention n’est pas de faire la guerre contre les Chrétiens, mais bien contre les infidèles ; je souhaite que l’Italie et la Chrétienté soient en paix et que chacun possède ce qui lui appartient”. La croisade contre l’Infidèle, Charles la mène à plusieurs occasions : Vienne en 1529, Tunis en 1535, Alger en 1541. Une grande partie des activités militaires de Charles seront consacrées à son ennemi François Ier (au pape : “je promets à votre Sainteté que si le roi de France voulait se conduire envers moi au champ, et m’y conduire avec lui, armé ou désarmé, en chemise, avec une épée et un poignard, sur terre ou en mer, ou sur un pont ou dans une île, ou en champ clos, ou devant nos armées ou là où il voudra que cela soit juste”).

Marignan marque par exemple le rétablissement de la situation prépondérante de la France en Europe (1515) : “François Ier a de nouveau occupé le Milanais par quoi on coupe l’Italie de ses liaisons continentales avec l’Allemagne ou peu s’en faut, et avec la France”.
En 1525, à
Pavie, le Milanais est perdu par la France et le roi fait prisonnier. Ce dernier signe la paix de Madrid le 14 janvier 1526 : il renonce à l’Italie, cède la Bourgogne, promet d’épouser Elisabeth, la soeur aînée de Charles Quint. Mais libéré, le roi de France revient sur ses engagements. Cependant, Charles est finalement vainqueur en Italie.
En Méditerranée, les Ottomans s’imposent ; le succès de Tunis (1535) parvient difficilement à voiler le bilan négatif de Charles Quint. L’affrontement se cristallise sur Venise où les deux grandes flottes s’affrontent à la
Prevesa. Défaits, les Vénitiens ne peuvent plus longtemps soutenir Charles Quint. Devant Alger, en 1541, Charles subit un affront encore bien plus lourd.

Les relations de Charles avec l’Allemagne sont marquées par la rencontre avec
Luther en avril 1521. Le religieux allemand refuse de se rétracter et prononce un long discours pour justifier au contraire sa démarche. La réponse de l’Empereur est claire : “Je suis résolu à rester fidèle à tout ce qui a été fixé par le concile Constance. Il est clair qu’un frère isolé dans l’erreur, lorsqu’il contredit l’opinion de toute la Chrétienté, a tort, sinon la Chrétienté se serait trompée durant mille ans et plus”.
La
diète d’Augsbourg entre juillet et novembre 1530 voit se dérouler une joute avec les princes luthériens. Luther décède en 1546 tandis que le concile de Trente est ouvert depuis une année. Charles Quint entre en Allemagne avec ses troupes et réduit les Allemands à la conciliation. La diète d’Augsbourg en 1547 et 1548 montre que la situation entre protestants et catholiques n’est guère plus saine. Le pape supporte de moins en moins l’importance prise par l’empire de Charles Quint et Paul III de dire : “Ce n’est pas à César, c’est à saint Pierre que le Christ a dit : tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon église”.

Charles Quint ambitionne en outre de faire de la monarchie élective une monarchie héréditaire. Le 9 mars 1551, devant les réticences dans sa famille, l’Empereur impose son point de vue.

Pour rééquilibrer les forces en Europe, l’Europe va se liguer contre Charles Quint : la France, les Turcs et les princes protestants d’Allemagne. 1552 est l’année où l’Empereur perd l’Allemagne.
La paix d’Augsbourg en 1555 donne à l’Allemagne la liberté religieuse : c’est un édit de Nantes avant la lettre. En revanche, le mariage de la catholique Marie Tudor, nièce de Charles Quint, avec Philippe, son fils scelle une alliance avec l’Angleterre.

A la fin de sa vie, Charles Quint, pour régler sa succession, abdique ; il détache l’héritage de
Philippe II de l’Allemagne ; il cède entre 1545 et 1554 à son fils le Milanais, Naples et la Sicile ; en 1555 les Pays-Bas ; les royaumes de Castille et d’Aragon en 1556. Son geste est expliqué à son fils par ces mots : “Et si jamais vous désiriez, plus tard, chercher comme moi le repos dans la vie privée, puissiez-vous avoir un fils qui mérite que vous lui tendiez le sceptre avec autant de joie que le fais aujourd’hui”.

Au crépuscule de sa vie Charles Quint prend le chemin de l’Espagne pour terminer sa vie dans
le monastère de Yuste, au-delà de Plasencia, sur le chemin du Portugal, en Estrémadure. Son majordome Quijada présente cette situation par des mots mélancoliques : “C’est la vie la plus délaissée et la plus triste qui se soit jamais vue, une vie que peuvent accepter seuls ceux qui ont renoncé à la fortune et au monde”. La goutte et d’autres maux divers le rongent. Il semble qu’à peine un moins avant de mourir, il fait célébrer ses propres obsèques pour y assister et y prier de son vivant.

La personnalité de l’homme est restée pour une bonne part insaisissable. Elevé par Madame Geande puis par sa tante Marguerite d’Autriche ; il devient un chef d’Etat austère qui se consacre pour ses loisirs à la chasse, les femmes, la nourriture ; un homme très pieux qui pouvait se coucher à terre, les bras en croix pour prier. Son mariage avec Isabelle de Portugal est une réussite et, en 1539, l’Empereur est très malheureux de la perdre à la naissance de leur troisième enfant.

Charles décède le 15 septembre 1558.

D’après F. Braudel, Autour de la Méditerranée, Le livre de Poche

Un paysan se moque même de sa mâchoire proéminente souvent ouverte :

"Attention, Sire, ici les mouches sont insolentes"