HISTOIRE-GÉOGRAPHIE SUR LE WEB

LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE

compiègne Le Maréchal Pétain et son État-Major au quartier Général de Compiègne avant l'offensive allemande sur Paris. Mars 1918.

Au début de 1918, les Allemands lancèrent leur dernière grande offensive. Paris fut régulièrement bombardé par les taubes et par "la grosse Bertha", un énorme canon tapi dans la forêt de Compiègne. Mais les alliés emmenés par Foch triomphèrent.


défilé Les fêtes de la victoire à Paris le 14 juillet 1919

 

Cette situation se retrouve dans le cas des tanks qui, plus. encore que l'avion, furent les artisans de la victoire alliée. L'idée était née simultanément en France et en Angleterre où chacun de leur côté, le colonel Janin et W. Churchill poussaient à l'expérimentation de blockhaus sur chenilles. Il fallait à tout prix fabriquer un engin tout terrain qui puisse protéger les attaques de l'infanterie, enlever les barbelés, détruire les nids de mitrailleuses et progresser en même temps que les troupes. Les Anglais furent prêts les premiers. Pour assurer le secret, ils laissaient croire que les plaques de blindage étaient destinées à des réservoirs de pétrole : c'est pour cela qu'ils baptisèrent leurs chars du nom de tanks. En septembre 1916, sur la Somme, les Willie emportaient quatre villages mais la coordination avec l'infanterie n'était pas au point et les Allemands reprirent les villages. La première expérience des Français ne fut pas non plus très concluante : ils firent intervenir leurs chars lors de la grande offensive Nivelle, le 17 avril 1917 : les énormes Saint-Chamond de 27 tonnes étaient vulnérables : les mitrailleuses lourdes et les canons allemands en détruisirent 60 sur 120, les équipages furent grillés vifs, l'infanterie désormais sans protection fut massacrée. Les Allemands en conclurent que le canon l'emporterait toujours sur le tank : ils commirent là une erreur qui devait leur être fatale.
Ces chars lourds étaient lents, peu maniables, on donna la préférence aux tanks légers de chez Renault, Berliet et Schneider sans abandonner toutefois les Saint.Chamond qui, seuls, pouvaient franchir les coupures de deux mètres. La construction en grande série de ces petits engins révolutionna l'art de la guerre. Ils remportèrent leur premier grand succès à Villers-Cotterêts, le 18 juillet 1918, contribuant largement à la deuxième victoire de la Marne. Désormais ils participèrent à toutes les attaques en dépit des pertes sévères que leur infligèrent les Allemands (50 % par engagement). On ne conçoit plus de percée sans eux et comme il en arrivait au front plus de 500 par mois, le roulement était assuré, En août, 1 500 chars français étaient en ligne et autant de tanks anglais qui, sous la direction du général Rawlinson, remportaient à leur tour un grand succès stratégique le 8 août. En novembre il y avait plus de 2 000 chars français en ligne : ceux qu'on allait bientôt baptiser « les chars de la victoire ».

D'après Marc Ferro, la Grande Guerre, Folio

Poulbot
Dessin de Poulbot dans le Journal du mardi 16 février 1915.

Légende : "Laissons-le d'abord donner à boire, nous le tuerons après"

Les enfants victimes des atrocités allemandes font parties du "bourrage de crânes"

 

Lettres de poilus

Les tranchées

Vendredi 20 novembre 1914

La nuit dans la tranchée. - Tranchée de deuxième ligne, le long de la route. Elle est bien installée, formée de petites niches individuelles avec de la paille. On peut y dormir.
Voici leur aspect, si maladroit que je sois, ça vous donnera une idée.
On déroule le couvre-pieds et bonsoir... Je m'éveille tout à coup. Partout des coups de fusils ; mes voisins s'éveillent aussi et bouclent les sacs en vitesse et mettent bidon et musettes. Les Boches attaquent : les balles sifflent. Visages ahuris et inquiets. Silhouettes qui passent sur la route en courant et en se baissant. On va renforcer la tranchée à quelques pas ; je me fous par terre dans du fil de fer coupé, et d autres aussi ; le sac monté à la diable ballotte, les musettes battent les jambes (une araignée se promène sur mon papier à lettres, maman !) - et on se précipite dans les trous de tranchée n'importe comment, on se terre au fond, assez inquiets. «Baïonnette au canon !» crie « Dérange-tout » qui se promène au milieu des balles sur la route, comme un paysan dans ses blés (je ne veux lui enlever aucune de ses qualités). Ordre de ne pas tirer. La fusillade se calme. Elle traîne et cesse. On se redresse un peu, on respire, on regagne sa place. Il y a un blessé, au pied ; c'est mon caporal.
Étienne Tanty

12 août 1918

Dès les premiers coups de canon. J'ai été projeté en l'air, des masses de terres se sont soulevées sous moi et à ce moment-là j'ai perdu connaissance. Je retrouvai rapidement mes esprits. Enseveli, enterré vivant sous de lourdes masses de terre, dans quelques instants je vais manquer d'air, et ce sera la mort ! Je me suis mis à crier : « Emil, tu es là ? », « Oui, Erich! », « Emil ! », « Ne crie pas comme ça, respire calmement. » « Au secours ! Au secours ! » Et Emil : « Récite plutôt un Notre Père. » J'hésitai, doutai, réfléchis. Non, de ma part, cela aurait été se moquer. J'ai pensé à mon père et à ma mère qui ne sauraient jamais où je serais mort. Lentement ma bouche et mon nez se remplissaient de sable, au fur et à mesure que ma respiration se faisait de plus en plus violente et que l'air devenait de plus en plus rare. J'ai senti que ma fin était proche. Pendant ce temps, trois camarades extrêmement courageux avaient commencé un travail de sauvetage au plus fort de la pluie d'obus.
Le camarade Emil qui était au-dessus de moi fut bientôt libéré.
Mais pour me libérer moi, il a fallu beaucoup, beaucoup plus de temps. Comme tout était merveilleux autour de moi une fois que j'ai pu respirer à nouveau librement, alors même que les obus ne cessaient de faire de nouvelles victimes dans nos rangs.
On m'a pris sous les bras, et c'est ainsi que l'on m'a retiré de sous les masses de terre. Une botte, la droite, est restée enterrée.
Mon pied droit était nu.
Erich SIDOW- Armée allemande

Front et arrière

12 septembre 1915

Jean Dron
Le 12 septembre 1915
[...] Cette tuerie durerait encore plusieurs années que ça serait encore les mêmes qui seraient encore dans les tranchées, et quoi faire et dire, ils nous tiennent et nous matentà leur guise. Ils veulent les avoir, c'est facile à dire et à écrire. Ceux qui font les articles de journaux souffrent moins que moi en t'écrivant, car moi, ma petite Lucie, pour me consoler, je n'ai que ton image qui est constamment devant moi pour t'écrire. C'est facile avec la peau des autres de dire : Nous les aurons. Ça sera long mais nous tiendrons juste un jour de plus qu'eux. S'ils veulent les avoir, ils feraient pas mal de venir les chercher et les prendre.

 

Littérature : Céline et Voyage au bout de la nuit


Et puis non, le feu est parti, le bruit est resté longtemps dans ma tête, et puis les bras et les jambes qui tremblaient comme si quelqu'un vous les secouait de par-derrière. Ils avaient l'air de me quitter et puis ils me sont restés quand même mes membres. Dans la fumée qui piqua les yeux encore pendant longtemps, l'odeur pointue de la poudre et du soufre nous restait comme pour tuer les punaises et les puces de la terre entière.
Tout de suite après ça, j'ai pensé au maréchal des logis Barousse qui venait d'éclater comme l'autre nous l'avait appris. C'était une bonne nouvelle. Tant mieux ! que je pensais tout de suite ainsi : « C'est une bien grande charogne en moins dans le régiment » Il avait voulu me faire passer au Conseil pour une boîte de conserve.
« Chacun sa guerre ! » que je me dis. De ce côté-là, faut en convenir, de temps en temps, elle avait l'air de servir à quelque chose la guerre. J'en connaissais bien encore trois ou quatre dans le régiment, de sacrés ordures que j'aurais aidés bien volontiers à trouver un obus comme Barousse.
Quant au colonel, lui, je ne lui voulais pas de mal, Lui pourtant aussi il était mort. Je ne le vis plus, tout d'abord.
C'est qu'il avait été déporté sur le talus, allongé sur le flanc par l'explosion et projeté jusque dans les bras du cavalier à pied, le messager, fini lui aussi. Ils s'embrassaient tous les deux pour le moment et pour toujours.
mais le cavalier n'avait plus sa tête, rien qu une ouverture au-dessus du cou, avec du sang dedans qui mijotait en glouglous comme de la confiture dans la marmite. Le colonel avait son ventre ouvert, il en faisait une sale grimace. Ça avait dû lui faire du mal ce coup-là au moment où c'était arrivé.

 

Le dessinateur alsacien Hansi, dans le camp français, représente ici la bataille de la Marne dans le Matin du 21 février 1915.