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DANSE MACABRE
LA PESTE DE 1348
Cette année-là, 1348, au mois d'août, on vit au dessus de Paris une étoile, dans la direction de l'Ouest,très grande et très claire.
Jean de Venette

La peste est une maladie très contagieuse provoquée par le bacille Yersinia pestis (du nom de Yersin qui le découvrit en 1894). Le bacille est porté par une puce qui voyage sur le dos des rats ou autres animaux à poils. 
Il existe deux formes de peste :
la peste bubonique laquelle donne un ou des bubons à l'aine, à l'aisselle ou au cou ; elle donne la mort dans 80 à 85 % des cas ; la peste pulmonaire qui se transmet par des gouttelettes de salive en suspension dans l'air : la mort est dans ce cas inévitable. Elle survient alors dans les trois jours. 
Les contemporains donnent de la peste des explications très hasardeuses : châtiment divin, empoisonnement des puits par les juifs. À Chinon, des Juifs furent jetés dans la Vienne pour cette raison. Au-delà de cette explication, les scientifiques de l'époque parlent de la corruption de l'air chaud et humide. Les habitants des villes fuient à la campagne alors que la quarantaine aurait été le meilleur remède. La peste tue aussi bien les riches que les pauvres. Elle décime les paysans dans les villages. Après son passage, la France redevient un "pays vide". 
Près du tiers de la population n'aurait donc pas survécu à cette épidémie. "Le registre paroissial de Givry est plus précis encore puisqu'il a enregistré les mariages et les décès survenus entre 1338 et 1350 : les décès, en temps normal au nombre de 20 à 25 par an, atteignent le chiffre de 649 en 1348 ; il y avait une vingtaine de mariages par an avant la peste, il n'y en a aucun en 1348, mais 86 en 1349.
La famine des années 1346-1347 a aggravé la mortalité car la peste a touché une population affaiblie. L'épidémie revient ensuite cycliquement comme les répliques d'un tremblement de terre sans être toutefois aussi forte. Le personnel politique est touché par la maladie ; les campagnes cherchent des bras même si la société se relève comme le montre la courbe des mariages à Givry. C'est le temps béni des manouvriers qui louent leur force de travail et peuvent alors se vendre cher.
Les temps sont maussades. L'art exprime cette mélancolie, la peur de la mort. Le thème de la
danse macabre (exemple pris à Rocamadour) évoque l'espace tenu qu'il y a entre la vie et la mort. "On passe d'une mort idéalisée, celle du XIIIe siècle, à une mort réaliste ; d'une représentation sereine du mort, où le corps mortel et l'âme immortelle ne font qu'un, au cadavre décomposé ou desséché, momifié, effrayant en tout cas, qui n'est plus que le corps mort, qui a laissé échappé l'âme". Le gisant fait son apparition.. Par exemple, le cadavre du cardinal de La Grande à Avignon en 1402 est décharné. Sur les parois des églises, des danses macabres sont figurées :

"Je fis de Maccabée la danse
Qui toutes gens maine à sa tresche
Et a la fosse les adresche
Qui est leur derraine maison"

écrit en 1376 le poète Jean Lefebvre.Il faut créer de nouveaux cimetières pour ensevelir tous ces morts. Le rituel de la mort est interrompu. 
L'homme de l'époque est angoissé. Pour l'apaiser, les confréries et charités se fondent. 
Le recours à l'intercession des saints se généralise : "saint Sébastien (criblé des flèches de l'épidémie), saint protecteur ; saint Roch, qu'on représentera montrant son bubon, saint guérisseur." Le culte du Purgatoire connaît un prodigieux développement dans les régions méridionales.
 

D'après Alain Démurger, Temps de crises, temps d'espoirs, point Seuil