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Fougères (Bretagne Ouest)

Fougères est une ville forte construite sur un promontoire. Le château se trouve bizarrement en contrebas ; il est entouré par la rivière. L'énorme enceinte compte treize grandes tours. Le méandre a été aménagé pour que la rivière entoure la citadelle. Le château est relié à la ville haute par les remparts. En cas d'assauts réussis sur la ville, la garnison pouvait se retirer dans l'enceinte et la forteresse pouvait jouer son rôle de garde-frontière du duché de Bretagne. Le donjon n'existe plus : il a été rasé en 1166 par le roi d'Angleterre.

chateau de Fougeres


Les enceintes urbaines étaient au Moyen-Age souvent sommaires, affaiblies par les brèches et les poternes (porte donnant sur le fossé). Les maisons à l'extérieur des remparts rendaient l'approche plus facile. Il était donc important pour les villes menacées de colmater les ouvertures, d'apporter un soin particulier aux portes, de libérer des espaces. Au XIIIe siècle par exemple, les fossés sont compris entre 8 et 11 mètres de profondeur et entre 12 et 19 mètres de largeur, les courtines (mur entre deux bastions) ont entre 6 et 10 mètres de haut et, au niveau des chemins de ronde entre 1,20 et 2,10 mètres.
La protection des villes se faisait parfois sur le tard, en quelques mois.

Les plus grands progrès de cette période furent réalisés dans l'édification des châteaux. Les sites antérieurs sont parfois rasés, réutilisés ou non. Les créations furent au total plus importantes que les suppressions. Aux nombreuses forteresses des rois (plus de cent pour Philippe Auguste par exemple) s'ajoutaient celles des vassaux "jurables", quand ils leur avaient été remis contre serment, et "rendables" quand il fallait les céder à leur seigneur quand les circonstances militaires l'exigeaient.
Des
sommes importantes sont consacrées à l'édification des châteaux : l'édification du seul donjon de Douvres, réalisé entre 1180 et 1190, coûta presque 4 000 livres sterling par exemple. Par comparaison avec les cathédrales, les châteaux sont édifiés en peu de temps : entre une et cinq années. Les chantiers des cathédrales, sauf dans l'enthousiasme des tout débuts, étaient en général moins peuplés de maçons, de terrassiers, de tailleurs de pierres, que les chantiers des forteresses.
À partir de 1150, la
pierre devient le matériau même si le bois continue d'être utilisé pour certaines parties. Les merlons (pierre du chemin de ronde), les hourds (galerie en bois bientôt remplacés par les mâchicoulis), les bretèches (guérite), les barbacanes, les ponts-levis connaissent une diffusion croissante. Les archères sont plus nombreuses en raison du recours plus systématique à l'arbalète. Les tours sont de plus en plus hautes. Contre les travaux de sape, la base des murailles est élargie. Les plans sont simplifiés.

D'après Philippe Contamine, La guerre au Moyen-Age, puf.

Le château en haut de la page est le château de Beynac (Périgord).


Les premières enceintes urbaines (920-1020) d'après Dominique Barthélémy (L'ordre seigneurial)

La première grande vague de construction des châteaux commence en 920, bien après les invasions normandes. Ce sont les guerres privées qui conduisent à la construction de forteresses. Le droit de fortifier est alors entre les mains des autorités publiques. "Sur les 88 châteaux répertoriés par A. Debord en pays charentais, 12 seulement sont antérieurs à l'an mille et la majorité d'entre eux, jusqu'en 1020 est construite à l'initiative ou avec l'aval des comte, c'est-à-dire légalement ; ils sont placés dans les vallées, au coeur des zones d'habitat ou d'occupation anciens". D'anciennes ville ou vici sont transformées en châteaux (castrum ou castellum). L'enceinte est ovale et grande (une dizaine d'hectares). Les villageois peuvent s'y réfugier. Les mottes ou escarpements surmontés ou bordés de tours montrent la domination du comte. "On est à un stade internédiaire entre l'enceinte protohistorique et le château fort du XIIIe siècle purement seigneurial et qui isolera l'aristocratie du peuple". Terres et bois sont les matériaux les plus utilisés tandis que la pierre se répand. Le plus ancien donjon est celui de Langeais construit en 994. Les maisons sont souvent collées à l'enceinte. Le château est le lieu de rassemblements militaires et d'assemblées de paix. Il permet aussi aux paysans libres de venir pour participer à l'armée comtale. Les châteaux s'inscrivent le plus souvent dans le cadre hérité de l'époque carolingienne. Ils sont gardés par un agent du comte, un castellanus.


Un symbole de puissance par Danièle Alexandre-Bidon

"Comme un gigantesque échiquier, les puissants du Moyen-Age ont disposé leurs pièces maîtresses : des tours, qui ponctuent régulièrement le paysage et se dressent, hautes et massives. Plus hauts sont les châteaux, mieux l'idée de domination sur la terre et les hommes va pénétrer l'esprit des humbles. On construit donc des forteresses au sommet de chaque éminence, de chaque pic volcanique, et là où une plaine n'offre pas de relief, on en créé un en élevant une motte artificielle de terre. Où qu'il se tourne, le paysan voit un château au loin. De chaque château on peut voir le suivant dans la maille du réseau qui organise le territoire. Et la trame est serrée : on compte un château tous les 20 à 30 km, parfois tous les 10 à 20 km".


Le portier du château
(Passage d’Aliscamps, poème composé vers 1170, racontant le retour de Guillaume d’Orange, poursuivi par des milliers de Sarrazins)

Guillaume vient à la porte et à voix haute appelle le portier : “Ouvre la porte, baisse le pont, hâte-toi, frère, je suis en grande détresse !”.
Le portier vient aux créneaux et le regarde : il ne connaît ni le cheval, ni le heaume, ni l’écu, il prend Guillaume pour un mécréant qui veut le tromper : “Retire-toi, lui crie-t-il. Si tu t’approches, je te lancerai sur le heaume une pierre qui t’écrasera. Va-t-en, traître ! Pour qui me prends-tu ?
- Ami, ne te trouble pas ! Je suis Guillaume, le marquis d’Orange (...). J’ai été cruellement déçu, mes hommes sont morts ou pris, et je reviens seul.
- Attendez un peu”, dit le portier.
Il descend des créneaux et vient à Guibourg dans le palais : “Noble comtesse lui dit-il, hatez-vous. Il y a devant la porte un chevalier armé d’armes sarrazines, il semble bien revenir d’une bataille, car j’ai vu ses deux bras rouges de sang. Il dit qu’il est Guillaume au court nez. Venez-y, dame, et voyez-le !”
Guibourg l’entend et son coeur s’arrête, elle descend du palais et monte aux créneaux qui dominent les fossés.